Derrière chaque verre de vin se cachent un terroir, un climat, une mémoire. En France, certaines villes ne se contentent pas de produire des crus d’exception : elles les font dialoguer avec la cuisine locale, la culture populaire et l’histoire des lieux. À travers les villes pour les grands amateurs de vin, explorons ces endroits où l’accord mets et vins est plus qu’un plaisir. C’est un un art de vivre. Du confit de canard de Cahors aux escargots de Beaune, du crottin de Chavignol au cassoulet du Languedoc, chaque étape de cette escapade célèbre l’alliance entre patrimoine culinaire et excellence viticole.
Montpellier : la force tranquille du Languedoc
Montpellier règne sur le plus grand vignoble de France en superficie. Des appellations comme Pic Saint-Loup ou Grès de Montpellier témoignent de la richesse d’un terroir encore sous-estimé. Ici, la vigne est méditerranéenne, généreuse, souvent bio, et cultivée entre mer et garrigue.
La gastronomie suit la même ligne : brandade de morue, tielle sétoise, petits pâtés de Pézenas. Le tout s’accorde avec des blancs vifs ou des rouges profonds, selon l’heure et l’humeur. Le marché des Arceaux, l’un des plus anciens de la ville, offre une scène quotidienne où producteurs et restaurateurs échangent recettes, conseils et bouteilles. Un art de vivre local qui mise sur la transmission plus que sur le prestige.
Cahors : le Sud-Ouest entre rusticité et raffinement
Cahors, nichée dans un méandre du Lot, est indissociable de son Malbec noir, intense, parfois austère, toujours droit. Cette identité forte se reflète dans les assiettes : confit de canard, foie gras mi-cuit, croustilot (pain au levain local) ou truffe du Quercy.
Le cassoulet, ici revisité avec haricots du Lauragais et magret fumé, s’accorde avec des vins aux tanins soyeux, élevés longuement. Le pont Valentré et les ruelles médiévales offrent un cadre hors du temps, à explorer entre deux dégustations chez les vignerons du causse. En été, le festival Lot Of Saveurs invite chefs et producteurs à croiser leurs talents pour célébrer la cuisine cadurcienne.
Saumur : Loire, pierre tendre et blancs précis
Saumur s’inscrit dans un paysage viticole complexe : tuffeau blanc, climat tempéré, diversité des sols. Le chenin blanc y donne des vins droits, minéraux, parfaits pour accompagner les fromages de chèvre de la région comme le crottin de Chavignol ou la bûche cendrée.
Les fouées, petits pains creux à garnir, les rillauds (morceaux de poitrine confits), ou encore le sandre au beurre blanc figurent parmi les spécialités locales. Le tout se déguste dans les caves troglodytiques creusées dans la roche, souvent aménagées en lieux de réception ou en guinguettes. Saumur illustre à merveille l’alliance entre humilité du geste et noblesse du goût.
Beaune : le classicisme bourguignon sans fard
Ici, le vin est une seconde langue. Beaune, entre Dijon et Chalon-sur-Saône, concentre les grands crus, les maisons de négoce historiques et un patrimoine culinaire emblématique. La cuisine y est terrienne, généreuse, codifiée : œufs en meurette, escargots au beurre persillé, jambon persillé, bœuf bourguignon, coq au vin.
Les accords sont évidents mais jamais banals. Un Volnay sur un filet de volaille, un Meursault sur des quenelles de brochet, un Aloxe-Corton pour relever un fromage affiné… Chaque plat révèle une facette du terroir. Le marché du samedi matin, installé près des Hospices, est une vitrine vivante de cette tradition exigeante.
Bordeaux : la clarté dans la complexité
Capitale mondiale du vin, Bordeaux pourrait sembler écrasée par son image. Mais la ville a su se réinventer. Derrière les grands noms – Pauillac, Saint-Émilion, Pessac-Léognan – on découvre une scène culinaire dynamique, portée par une nouvelle génération de chefs et de cavistes.
Les huîtres du Bassin d’Arcachon, la lamproie à la bordelaise ou l’entrecôte à la moelle s’accordent avec précision : Entre-deux-Mers vif, Margaux raffiné, Pomerol soyeux. La Cité du Vin, bien plus qu’un musée, propose aussi des ateliers d’accords mets et vins d’une rare finesse. Le quartier des Chartrons, ancien fief des négociants, concentre aujourd’hui restaurants, caves à manger et bonnes adresses.
Avignon : l’arrière-pays du Rhône sud
La cité papale, au-delà de son pont et de son festival, se fait porte d’entrée des crus du sud de la Vallée du Rhône. Gigondas, Vacqueyras, Châteauneuf-du-Pape : autant d’appellations solaires, puissantes, profondément méditerranéennes.
La cuisine suit : daube provençale, légumes farcis, agneau aux herbes, fromage de chèvre affiné dans la cendre. Dans les Halles d’Avignon, temple des produits frais, les étals débordent de produits prêts à s’accorder avec une cuvée bien choisie. Et dans les domaines alentour, les dégustations s’accompagnent souvent d’accords culinaires pensés avec soin.
L’accord comme culture
Ce qui distingue ces villes, ce n’est pas seulement la qualité de leurs produits. C’est la manière dont elles les intègrent à une culture du goût partagée, vivante. Ici, le vin n’est pas réduit à sa technicité. Il est émotion, lien, mémoire. L’accord mets-vins devient alors un langage que chacun peut s’approprier, du marché du matin au dîner étoilé.